• Celle-ci a été prise à Ravenne, dans un petit enclos près de la porte des murailles romaines.

    Franchement, j'ai cru que quelqu'un avait réellement oublié son pardessus sur le banc. Mais en approchant, on constate que celui-ci est fait en petite tuiles de céramique. Peut-être encore plus émouvant que celui de Mantoue, ce mémorial aux disparus de la seconde guerre mondiale, particulièrement aux déportés, et au-delà à ceux des années de plomb, est particulièrement touchant.

    On y trouve tout: le vide, l'absence, le retour que l'on espère, le point d'interrogation posé par un banc désert, illustrant sans doute le plus incompréhensible des horreurs du temps. Car la disparition a pris place dans un quotidien absolu. Pas de grande scène d'action, pas de geste héroïque. Des hommes, des femmes, assis sur un banc au soleil, dans leur cuisine, endormis, au travail, au marché, tout d'un coup oblitérés comme si ils n'avaient jamais été là, anonymes qu'ils étaient pour la majorité.

    Et pour leurs proches, le refus de l'absence, l'attente qui commence, le deuil impossible quand l'espoir disparaît, l'horreur d'une situation ou rien ne garantit le lendemain dans un arbitraire absolu.

    Mais dans les plis de ce manteau posé sur ce banc, il y a aussi le refus de l'absence totale qu'est l'oubli. Il y a les braises de la vie que les survivants soufflent.

    Vous, moi, aurions pu être sur ce banc. Et aujorud'hui encore à le voir, le premier réflexe est l'envie de s'y asseoir pour veiller sur le manteau jusqu'au retour de celui qui l'a perdu là.


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  • Le deuxième conflit mondial a laissé, partout en Europe, un lourd héritage de monuments mémoriels, inévitable jusque dans les plus petits villages, et dont on peut espérer qu'ils contribueront à éviter la réitération du pire. Longues listes de disparus qu'on ne veut et peut oublier, soldats en gloire dans l'attitude de l'ultime sacrifice ou fier d'avoir sauvé le monde d'encore plus d'horreur, allégorie de la nation en deuil ou triomphante, ils participent de notre imaginaire de ces périodes sombres de manière parfois questionnable. Certains ne se départissent pas d'un nationalisme viril, d'autres sont accusateurs, tous sont tristes.

    Mais c'est en Italie que je crois avoir trouvé les plus belles expressions de cette mémoire colelctive, dans un pays qui malgré ses divisions très sensibles a construit une mémoire collective sur la base des émotions plus que sur tout autre chose.

    Le monument ici est à Mantoue. Je n'ai pas cherché à identifier l'artiste. Il résume à lui tout seul ce que la guerre peut-être, non pas comme catastrophe à grande échelle (ce qu'elle est) ni comme le triomphe du bien sur le mal, mais la trace obsessionnelle qu'elle laisse à ceux qui l'ont vécue et y ont survécu.

    La prouesse estd 'avoir sculpté le vide. Et d'avoir mis ce vide en relation avec ceux qui le perçoivent, à travers la figure de la femme qui ne verra pas revenir son fils, son mari ou son frère. C'est une statue de l'absence qui montre bien mieux ce qu'elle est, fondamentalement, que si elle avait cherché à figer l'image des absents. Elle englobe aussi du même coup toutes les absences, toutes causes confondues. Chacun y ressentira son vide intérieur, son manque de l'autre, quel que soit le camp ou la catégorie de victime auquel il appartenait.

    Cela rejoint ce que j'ai observé de la mémoire collective italienne sur les deux conflits mondiaux: la souffrance commune d'une nation, sans distinction de camp. La construction d'une mémoire compassionnelle, réellement collective et pas sélective. On en pensera ce qu'on voudra.

    Reste que cela donne un monument extraordinaire par son humanité.


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  • Oulà, ça fait longtemps que je n'ai pas écrit ici.

    Il s'en est passé des choses, mais comme je ne vais pas vous raconter ma vie, je vais me contenter dans l'immédiat des anecdotes particulièrement étranges et bizarres qui me sont survenues.

    Je me suis autopoignardé avec mon portable.

    Si, si, deux côtes fêlées suite à une agression de l'outil de communication indispensable, qui a peut-être eu des velléités de se révolter contre son maître, suite à un orgueil démesuré de sa part consécutif à son rôle central dans ma vie d'anthropoïde moderne. Ou alors un téléphone mercenaire payé par un L6Pink militant acariâtre (voir ailleurs sur ce blog).

    Recette: prenez un téléphone. Tenez le fermement dans la main, coude serré contre le corps, comme si vous vouliez taper un texto sans trembler.

    Faites-ça dans un TGV à pleine vitesse sur une portion de rail présentant des dévers (le trajet Lyon Paris est tout indiqué, testé et approuvé).

    Promenez-vous dans les couloirs pour, par exemple, rejoindre la voiture bar (ou après, mais là on risque d'avoir des doutes).

    Si vous avez de la chance (hum) une des portes de séparation ne manquera pas, suite à un mouvement latéral du train, de se fermer un peu lourdement sur votre passage, enfonçant l'objet du crime dans votre cage thoracique avec un pression conséquente.

    Laissez refroidir et buvez frais. Non, je reprends, laissez refroidir et souffrez vrai.

    Vous aurez ainsi l'insigne honneur de me rejoindre dans le club très fermé des personnes agressées non pas pour, mais par leur portable ! La cotisation est gratuite, et au moins vous aurez une personne à qui raconter ça qui ne se moquera pas de vous.

    En échange de ce tuyau indispensable que vous apprécierez à se juste valeur, quelqu'un aurait-il la recette pour s'électrocuter avec une pince à linge ? Non parce que ça finira par m'arriver alors si je peux voir venir...


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  • Alors voilà, c'est fait, comme l'indiquaient tous les sondages depuis deux mois et nonobstant le fait que tout le monde a voulu se faire des films, Barack Obama est bel et bien président des Etats-Unis.

    Passons rapidement sur l'irréalité de <?xml:namespace prefix = st1 ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:smarttags" /><st1:PersonName ProductID="la chose. Non" w:st="on">la chose. Non</st1:PersonName>, Barack Obama n'est pas noir, mais métis, et de surcroît passablement WASP. Loin du personnage de Robin des Bois que certains n'hésitent pas à lui dessiner. Obama n'est pas non plus de gauche, au sens où on l'entend en Europe. Obama n'est pas le président du Monde, mais celui des USA, et des deux candidats, si c'est certainement celui qui présente le plus de chance de mettre fin à des années d'unilatéralisme américain dans le Monde, c'est aussi le plus isolationniste, le plus américano-centré.

    De toute manière difficile de savoir ce que fera Barack Obama. Passés les discours de campagne à destination des électeurs américains (discours conservateurs dans les états conservateurs, progressistes dans les états progressistes, etc.), le plan d'ensemble de sa politique est pour le moment très largement une inconnue.

    L'élection du sénateur de l'Illinois est une bonne chose sur de nombreux points : Barack Obama montre que l'Amérique a encore réussi à donner à l'un de ses fils l'opportunité de s'élever par son talent et sa force de caractère, ce dont il ne manque certainement pas. Son héritage familial en fait un trait d'union idéal entre communautés blanches et noires, un ciment symbolique fort de la nation, au moment où des relents de racisme (anti-asiatique il est vrai pour l'essentiel) pointent le bout de leur nez dans certaines zones de l'Amérique. Son image de marque à l'étranger augure bien de la restauration d'un réel Soft Power Américain dans les relations internationales. L'état de grâce a commencé, et Obama aura certainement une influence sur la scène internationale, en tant que force de proposition, bien supérieure à celle de son prédécesseur. Il est aussi, et surtout, un symbole de changement et d'espoir bien légitime après un second mandat de Georges Bush perçu quasi-unanimement comme désastreux.

    Pourtant tout n'est pas rose, loin de là. L'élection d'un président métis mais perçu comme noir dans les medias et l'opinion publique risque de générer des attentes folles de la part des communautés, afro-américaines en particulier, avec des revendications sociales et politiques venant soudain avec force sur le devant de la scène, notamment d'un électorat noir dont on peut penser qu'il est en partie animé par le sentiment de l'éternelle revanche sur l'esclavage et la non moins éternelle attente d'une justice qui ne peut pas, se ce n'est dans la mémoire collective, lui être rendue. Comment Obama fera face à cette montée très probable de la question raciale et communautaire sur la scène politique américaine ? Comment empêchera-t-il les blancs de se sentir menacés si ces revendications atteignent une forte intensité ? Et les autres minorités ? Comment dira-t-il non, lorsque ce sera nécessaire, à ceux qui le voient comme leur messie à la fois rédempteur et justicier ?

    Obama arrive à la tête d'une Amérique affaiblie, désindustrialisée, délégitimée, isolée, surendettée, paupérisée même en certains endroits. Aura-t-il les moyens du changement ? Si oui, saura-t-il le mener pour tous sans trop toucher à un modèle sociétal approuvé massivement par la nation américaine ? Saura-t-il le mener pour tous sans spolier des communautés au profit des autres ? Si non, sera-t-il surmonter l'inévitable déception que cela entraînera ? Saura-t-il montrer à ses partenaires à l'international que sa volonté de diplomatie n'est pas une faiblesse dont ils peuvent espérer profiter (je pense à l'Iran surtout, mais aussi à la Russie), sans retomber dans les travers de l'usage de la force ?

    L'Amérique (et le Monde derrière elle) est passée de désillusions en désillusions depuis presque 20 ans. La fin de <st1:PersonName ProductID="la Guerre Froide" w:st="on">la Guerre Froide</st1:PersonName> n'a pas pacifié le Monde. Internet n'a pas créé le Village Global, la croissance économique n'a pas profité à tous et n'a pas sauvé nos sociétés de leurs problèmes de fond, Elle n'a pas non plus été infinie, la guerre d'Irak n'a pas garanti la sécurité des USA ni démocratisé le Moyen Orient, le modèle Américain n'a pas dans les grandes largeurs triomphé. Alors Barack Obama est-il réellement l'homme de la situation, où n'est-il, par le symbole qu'il incarne et le jeu habile de sa communication, que le dépositaire d'un énième espoir de sauver le Monde, espoir qui sera, sans aucun doute, déçu à son tour, une nouvelle incarnation de ces lendemains qui chantent que le peuple américain, avec cette touche de puérilité qui lui est propre, attend avec impatience ? Après la bulle financière, le risque de bulle Obama, en quelque sorte.

    La route est longue et votre bagage bien lourd de tous ces espoirs, Monsieur le Président. Je vous souhaite beaucoup de courage et bonne chance.


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  • S'il y a bien un groupe social qui incarne dans l'imaginaire collectif la paix, l'unité et la solidarité, l'engagement désintéressé de ses membres et l' « Amour », c'est bien l'idée de famille.

    Quoi d'étonnant alors que dans le discours diplomatique, tout rapprochement entre deux nations provoque une surenchère de déclaration de Fraternité. Quoi d'étonnant alors que la paix sociale soit assuré au sein même d'une société par cette même Fraternité.

    Et je passe la terminologie familiale du clergé (frère, sœur), le discours humanitaire sur nos frères humains, le « mes frères » des prédicateurs et des apôtres, etc.

    Pourtant à bien y regarder, la familiarité a dans son discours quelque chose d'inquiétant.

    On ne refuse rien à sa famille, et notamment à ses frères. La mère patrie ne se trahit pas, quelques soient les orientations prises par ses dirigeants. La père est la sagesse (le Saint Père notamment ?) incarné que l'on doit suivre, sous peine d'anathème teinté de (fausse) tristesse pour le fils dévoyé.

    Liberté, Egalité, Fraternité : l'ordre est important : rejoignez-nous, vous serez libre, acceptez les règles, elles vous rendront égaux, et si nous échouons dans notre promesse, pas de révolte: nous sommes frères.

    Que dire des pays frères de l'ancienne URSS ? (les Russes sont-ils nos amis ou nos frères, demandaient les Polonais ? Nos frères, car on choisit ses amis).

    Que dire aussi de la puissance coercitive, de la capacité de légitimation de tous les sacrifices demandés à ses employés par des entreprises qui ont, depuis longtemps, valorisé leur propagande en termes de famille ? (le langage « corporate »).

    Contredire sa famille, c'est trahir. C'est au-delà de la divergence d'opinion. C'est condamnable. Alors le cadre ou l'ouvrier qui fait ses heures (et pas plus) est un traître. Le « cousin » qui dans la rue (c'est étonnant comme la jeunesse de banlieue s'est découvert tout d'un coup une structure de famille) refuse le service, l'euro, le prêt de la voiture ou du téléphone portable, est un traitre. Le religieux qui met en doute le dogme de sa communauté est un hérétique.

    C'est étonnant comme le tutoiement, loin d'être un signe de familiarité, est utilisé aujourd'hui dans des circonstances très diverses pour signifier l'obligation de l'autre envers soi (c'est au sein de la famille réelle ou de cœur que l'on se tutoie, au départ).


    Le discours quotidien (hors contexte, je précise) sur la famille est un discours violent, fascisant et oppressant, pas du tout sécurisant. Il n'y a qu'à voir comment les obligations de familles poussent les individus au silence face aux agissements de leurs proches, comment elles génèrent les vendettas, comment le terrorisme même se nourrit de ses liens de famille fictifs ou réels, comment elle entraîne les guerres civiles. Il n'y a qu'à se souvenir que l'organisation familiale de pouvoir typique est la mafia, pour comprendre que la violence, la privation de liberté, la guerre quotidienne, psychologique voire économique, se cache sous les atours d'un discours pacifié, sécurisant, intégratif.


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