• Ce que les français veulent...

    Cette phrase est encore revenue cette semaine dans les interviews d'hommes politiques.

    La scène : un homme ou une femme politique devant un ou plusieurs micros tenus par des journalistes. De la communication, donc. Avec tout ses attributs: on est propre sur soi, le sourire de la connivence aux lèvres, le contexte républicain (le perron de l'Elysée en arrière plan) ou "France profonde" (le salon de l'agriculture, la seule ferme au monde ou on peut marcher avec des chaussures en croco, à peu près aussi réaliste comme milieu rural que la ferme des célébrités) ou encore "révélation vague de fond qui va tout emporter" (la grande messe / kermesse du parti avec les figurants qui applaudissent).

    La phrase aurait à la limite une légitimité s'il s'agissait d'un sociologue expliquant aux journalistes les conclusions qu'il tire d'une enquête approfondie sur le terrain.

    Mais non, c'est la phrase d'un type qui explique aux français ce qu'ils veulent. C'est-à-dire que ce qu'il veulent, ce sont ses idées, celles que l'homme ou le femme politique ou son mouvement ont déjà élaborées de manière préconçue, dans leur coin, en écoutant leurs militants (et encore ce serait déjà bien), c'est-à-dire des gens d'ores et déjà d'accord philosophiquement avec eux. C'est pratique, il n'y a pas besoin de leur poser la question.

    Avec des phrases comme ça, répétées des centaines de fois par an, pas étonnant que des idées comme « les Français veulent une société paternaliste » et « sont des assistés dans l'âme » soient si solidement ancrées.

    Répétez un slogan assez longtemps et l'on croira à un phénomène sociologique, quand bien même il ne s'agit que d'un fait médiatique.
    Je ne sais pas ce que les Français veulent. Je ne sais même pas si les Français existent sous la forme que les statistiques nous présentent.

    Mais ce que je veux moi, en tant que citoyen, ce ne sont pas des grands agrégats (l'équilibre du budget, l'emploi, le niveau de vie, etc.) c'est qu'on arrête de me prendre pour un demeuré, qu'on ne décide pas à ma place ce qui est prioritaire et ce qui ne l'est pas dans ma vie, qu'on ne me dise pas qu'un problème n'existe pas alors que je le vis, qu'on ne me considère pas comme un numéro de dossier, que la personne au guichet ne me traite pas comme une merde, que mes initiatives ne se heurtent pas à des démarches à n'en plus finir, que mes impôts et mes taxes servent à quelque chose (que j'approuve tant qu'à faire), que l'état assume ses fonctions au lieu de se réfugier derrière le libéralisme et les privatisations, que l'on culpabilise autant les patrons délocalisateurs que les chômeurs peu motivés, qu'on arrête de tuer tout espoir à coup de « on n'y peut rien » et de statistiques, et surtout, surtout, qu'on arrête de nous infliger ces bourgeois hautains et leurs querelles de succession (il ne manque que les flingues pour avoir un bon vieux film mafieux), qu'on arrête de faire des hommes et femmes politiques des stars médiatiques et qu'on les mette un peu au pied du mur de leurs vacuité et de leurs contradictions.

    S'ils doivent parler pour nous, s'ils en savent plus que nous, qu'ils énoncent un projet, et pas des
    banalités apprises par cœur qu'ils ressortent du chapeau quand ils n'ont rien à dire (c'est à dire le plus souvent).


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