• Afghanistan

    10 soldats français tués en Afghanistan, c'est triste, surtout pour eux et leur famille. Mais est-ce une raison pour avoir droit au déchaînement de bons sentiments et de désinformation dont nous sommes victimes depuis deux jours ?

    L'Afghanistan est en guerre et, à tort ou à raison, nous y participons. Et dans une guerre, il ya des morts. Et en Afghanistan, ce sont plus souvent qu'à leur tour des civils.

    Le plus énervant est le discours qu'on nous sert disant : « ils sont morts dans la lutte contre le terrorisme ». C'est radicalement faux et exclusivement destiné à légitimer la présence des troupes de l'OTAN là-bas. Les Talibans recourent certes aux attentats comme forme de combat (le terrorisme, ne l'oublions pas, est une technique de guérilla, pas la déviance pathologique d'une bande de tarés, et est et fut largement utilisé par tous les mouvements dits de résistance partout dans le monde), mais les talibans n'ont jamais à ma connaissance mené d'opération de terrorisme en dehors de leur zone d'influence (en gros : le nord-ouest du Pakistan, le nord-est de l'Iran et le sud de l'Afghanistan) :rien à voir avec Al Qaida, même s'ils ont sûrement eu le tort d'offrir l'asile à certains de ses combattants. C'est une guerre pour le contrôle d'un territoire et de ses ressources et populations, pas un conflit de civilisation. En fait je lis là une préargumentation en faveur d'un maintien de notre action là-bas.

    Les troupes de l'OTAN sont en Afghanistan pour trois raisons principales :

                La nécessité pour les USA de réagir aux attentats de 11 septembre, essentiellement à usage de leur opinion publique, bien que le choix de l'Afghanistan se justifie par son rôle de camp d'entraînement et de refuge de certains combattants djihadistes.

                Le rejet de l'obscurantisme représenté par les Talibans, qui constituerait pour les populations afghanes un retour en arrière. C'est exact, mais il faut noter à ce sujet que les populations afghanes ne sont pas toutes très « modernes » dans leur conception de l'Islam et de la société non plus. La propagande occidentale a lié la lutte contre les talibans au symbole de la burka, signe de l'aliénation des femmes dans leur conception de la société. Les talibans l'ont certes voulue obligatoire, mais une bonne partie des femmes afghanes dans les zones non talibanes la portent encore aujourd'hui, et n'ont pas accès de par la pression de leurs clans familiaux à l'éducation et aux soins que se proposaient de défendre les occidentaux dans cette affaire.

                L'ouverture de la route pétrolière entre les gisements d'Asie Centrale et le terminal pétrolier (en projet) de Gwadar au Pakistan, qui présente des intérêts stratégiques évidents tant pour les américains que pour les européens : gagner en indépendance par rapport aux pays du Golfe, priver les chinois et les russes du monopole d'exploitation de ces gisements, isoler un peu plus l'Iran, et surtout ne plus avoir à entrer dans le golfe persique pour charger les pétroliers. Le projet d'oléoduc est fixé depuis longtemps, et le président afghan est connu pour ses intérêts personnels dans l'activité des compagnies pétrolières américaines.

    Alors arrêtez de nous bassiner avec les croisades vertueuses de la lutte mondiale contre le terrorisme, qui justifie l'oppression de la Tchétchénie, du Tibet, du Sinkiang, entre autre. Nous sommes là-bas non pour la seule morale, mais pour des raisons géopolitiques.

    Pendant ce temps, en Ouganda, 2,5 millions de personnes meurent dans des camps de réfugiés qui mériteraient plus le nom de camps de concentration, gardés par des soldats recrutés apparemment pour leur séropositivité, et tout le monde s'en fout. Mais il est vrai que l'Ouganda est un fief de mission des églises protestantes évangéliques américaines, et pas un sale pays islamiste pro-chinois...

    Deux derniers mots : dans l'histoire guerrière hélas longue de ce pays, tous les envahisseurs (même les bien-intentionnés) ont fait une fixation sur Kaboul. Or Kaboul est une cuvette dans laquelle toutes ses forces se sont, immanquablement, trouvées prises au piège : le pot de miel attirant l'ours dans la trappe. La fixation que semble faire la presse sur la possession de Kaboul montre que les leçons n'ont pas été tirées. Ah ! La nostalgie de Dien Bien Phû...

    Par ailleurs, certains journalistes insistent aujourd'hui sur l'internationalisation du conflit afghan, soulignant que de nombreux combattants talibans ne sont pas des pachtounes. Réveillez-vous messieurs les journalistes : il y a trois ans déjà, les militaires sur place notaient que les talibans envoyaient au front des Sri Lankais, Indiens, Philippins et autres, leurrés par les recruteurs, en interprétant cela comme la nécessité pour les responsables talibans de compenser les énormes pertes humaines de 2002. Là encore, on crée de toute pièce l'idée d'un empirement de la situation qui est hors de propos. Elle a toujours été grave.

    Voilà, ce que vous voyez ces jours-ci dans les journaux est le mélange traditionnel d'horreur, de bons sentiments, et de menaces voilées qui feront qu'on ne changera rien à rien, mais que le peuple se sentira solidaire autour de ses troupes et de son président...


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