• Ce matin, les informations du jour nous ont montré un reportage « courageux » car clandestin sur une réalité du sida en Chine.
    Des centaines de gens contaminés par des transfusions sanguines, mis en quarantaine dans leurs villages, ceux-ci rayés des cartes pour tenter de conserver le secret.
    Pour le gouvernement Chinois, ces gens n'existent plus nous dit le commentaire, témoignage de militants chinois anti-sida à l'appui. La faute à la corruption, sans doute.
    J'ai regardé cela avec ahurissement. Beaucoup ont du se dire « quels salauds ces Chinois ». Beaucoup ont du, consciemment ou non, être rassurés : cette Chine qui nous menace n'est pas parfaite. Rassurés aussi, ceux qui se sont dit qu'ils avaient de la chance de ne pas être chinois.
    J'imagine que peu de personnes se sont souvenus du scandale du sang contaminé, et des non lieux dont la plupart des responsables ont bénéficiés. Mais nous c'est différent, c'est la France. Pays civilisé, démocratique, état de droit.
    Le reportage en tout cas n'a pas évoqué la chose.
    C'est assez triste.
    Triste que nous soyons amnésiques.
    Triste que nous nous rassurions du malheur des autres.
    Triste que nos erreurs n'aient pas servis à en prévenir d'autres, ailleurs.
    Triste que des journalistes ne s'autorisent pas à ajouter un et un, parce que cela nuirait à la confiance des ménages et à la consommation, ou renforcerait le mécontentement ambiant, sans doute.
    Triste que la presse audiovisuelle s'attache surtout à ne pas faire de vague.


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  • Parfois la vie se complique subitement. Une erreur de lecture sur un agenda pas à jour et vous voilà condamné, en l’absence de don d’ubiquité, à choisir entre deux lieux, entre deux actes, pour un seul instant.
    La logique étant impuissante à trancher le dilemme dans le délai très bref qui m’était imparti, il devint nécessaire d’en appeler au hasard.
    Je savais avoir sur moi une pièce jaune idéale pour jouer à pile ou face avec mon destin du moment, mais cela peut-être compliqué, ça aussi, surtout en hiver.
    Surtout faire les choses dans l’ordre.
    Primo : sortir mon mouchoir doucement, des fois que l’instrument des dieux y ait trouvé refuge.
    Non, d’abord enlever mes gants, encore que des doigts transis ne valent guère mieux, pour la prestidigitation, qu’une double épaisseur de laine insensibilisante.
    Les gants donc, puis le mouchoir (pas de pièce à ce stade), et enfin la p… Tiens, non, la girafe en peluche de ma filleule adorée. Curieux qu’elle se trouve là. Bref, l’énigme de sa présence attendrait. Hop, dans l’autre poche. Revenons à la pièce. Encore raté, ce sont mes clefs qui constituent l’ultime trésor de ce côté-ci de mon blouson.
    Je mis la main dans l’autre poche. Bon, la girafe : retourne de l’autre côté. Rien d’autre. La poche intérieure ? L’heure du dernier bus avant retard irrattrapable approche.
    Vite il fait froid ! Le mouchoir ! Atchaaa ! Il était temps.
    Tiens, mon livre !...
    Cling.
    Flûte la pièce se fait la malle. Où donc ? Mes lunettes, illico ! Aussitôt sorties de l’étui, aussitôt embuées…
    Ca m’énerve prodigieusement…
    J’ai toujours sur moi des gelules calmantes.
    Dans quelle poche ?
    Alors, la girafe…


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  • " Pour nous, la liberté d'expression de la presse écrite et radiotélévisée suppose la liberté de créer des pseudo événements. A cette création participent, dans un esprit compétitif, politiciens, spécialistes de presse et moyens d'information. Ils rivalisent d'ingéniosité pour présenter des récits et des images du monde qui soient attrayants et « éducatifs ». Ils sont libres de spéculer sur les faits, d'en amener de nouveau à l'existence, et d'exiger que l'on réponde à leurs propres questions factices. Notre « marché libre des idées » est un lieu où les gens sont mis en face de pseudo événements rivaux et autoriser à les départager. C'est ce que nous voulons réellement dire lorsque nous parlons d'« informer » le public. (...)
    Les pseudo événements qui remplissent notre conscience ne sont ni vrais ni faux dans l'acception traditionnelle que nous connaissons. Car les mêmes progrès qui les ont rendus possibles ont simultanément rendu les images - si déformées, si inventées, si factices soient-elles - plus brillantes, plus attirantes, plus impressionnantes et plus persuasives que la réalité.
    Nous ne pouvons pas dire qu'on cherche à nous tromper. Il n'est pas entièrement inexact de dire qu'on nous « informe ». Ce royaume de l'ambiguïté est l'œuvre de ceux qui croient nous instruire, de nos meilleurs spécialistes à qui nous apportons notre collaboration active.
    (...)
    La production industrielle efficace de pseudo événements - sous des présentations très diverses, en noir et blanc, en technicolor, en paroles et sous mille autres formes - est assurées par tous les rouages de notre société. Elle représente le travail quotidien d'hommes de bonne volonté. Il faut alimenter les moyens d'information ! Il faut mettre le public au courant ! La plupart des campagnes visant à obtenir « davantage d'information » sont mal orientées ; tant que nous appelons information la connaissance de pseudo événements, « davantage d'information » ne servira qu'à multiplier les symptômes sans guérir le mal.
    Ainsi le citoyen (...) vit dans un monde où le fantastique est plus réel que la réalité, où l'image a plus de dignité que son original. (...) Nous nous sommes faits les complices passionnés des grandes mystifications de notre temps, que nous élaborons à notre usage personnel."

    Daniel Boorstin L'image, 1971, ed 10/18.


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  • Si vous prêtez un peu attention à la presse ces temps-ci, vous aurez certainement remarqué la levée de boucliers qui accueille la sortie de « la vallée des loups : Irak », film turc qui propose une version héroïque de la résistance aux opérations occidentales en Irak, et qui fleure apparemment bon l'antisémitisme et l'anti-occidentalisme de base.
    Bon admettons, c'est un film propagandiste, raciste et crétin flattant les instincts des nationalistes et panislamistes de Turquie et d'ailleurs. Soit.
    Mais interrogeons nous plus avant sur la réaction outrée dont nous savons si bien faire preuve. Vous avez vu « Aube rouge » ? Vous avez vu Rambo II et III ? Et tous ces films de commande de l'armée américaine qui vantent l'héroïsme des marines, des commandos, de l'Air Force ou du citoyen américain de base ? Lorsque les media en parle, la plupart du temps, il s'agit de « films à grand spectacle ». Jamais personne ne les qualifie de « film de propagande raciste ». Mais faites attention à la façon dont les autres, l'ennemi, est traité, et vous verrez que la notion de surhomme occidental civilisé et vertueux face à la barbarie asiatique, hispanique, soviétique ou musulmane (selon les époques) est bel et bien là.
    Et je ne parle pas des cinémas français (qu'elle est belle la Résistance ! Qu'ils sont c... ces allemands ! Qu'ils sont bronzés ces loubards...), russes, israéliens ou chinois.
    De quel droit le cinéma turc devrait-il ne produire que des films intimistes, sensibles et parfois longuets ? Parce que c'est un cinéma minoritaire ? Tiers-mondiste ? C'est du racisme anti-turc et les turcs ne se considèrent certainement pas comme culturellement insignifiants ou faisant partie du tiers monde. Alors au nom de la lutte anti-raciste, je réclame le droit pour le cinéma turc d'être aussi mauvais et bête que le cinéma américain, et pour les mêmes raisons : faire du pognon. Au moins les crétins assoiffés d'hémoglobine qui iront voir La vallée des loups donneront leur écot à leur cinéma national, et pas aux superproductions occidentales. S'il suit la même évolution qu'Hollywood, il finira par faire des films intelligents, par réaction.
    Il y a plus grave.
    Si l'on en croit le sensationnalisme des media, celui des premières pages, celui qui alimente les discussions de comptoir, l'Islam se résume à une bande d'excités intolérants, à des appels au meurtre, au refus de la démocratie, à des criminels aveugles, à des maîtres chanteurs à la bombe atomique, à des misogynes, à des intolérants, à l'obscurantisme que nous supposons derrière toute pratique religieuse soutenue, à des régimes corrompus et cruels. Et nous traitons les turcs de racistes pour un malheureux film ?
    Posons la question de notre propre intelligence, car nous sommes manipulés, consciemment ou non. Nous aussi attendons qu'on nous flatte, dans le sens du poil de la bête qui sommeille en nous, et qui n'attend qu'une caution « officielle » pour dire qu'elle n'aime pas les « arabes », les juifs ; les autres en général.
    Alors à quel jeu jouent les media ?
    La vallée des loups ne crée par le sentiment anti-occidental, il l'exploite. Et si l'on veut que se sentiment disparaisse, alors tâchons de ne pas être haïssables. Et commençons par arrêter de donner des leçons.
    L'ennemi est bête, il croit que c'est nous l'ennemi, disait Desproges.
    Et si l'ennemi avait raison ?

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  • Il y a des mots qu'il devrait être interdit aux journalistes d'exploiter jusqu'à la corde, et depuis l'année dernière, Tsunami fait partie de ceux-ci.
    Phénomènes inconnus ou presque de la majorité des lecteurs et auditeurs de la presse avant la catastrophe asiatique, les tsunamis nous tombent dessus depuis un an comme les obus à Verdun : tsunami dans tel parti politique en proie aux luttes de pouvoirs, tsunami sur la conscience française et le modèle républicain après les émeutes de banlieues, tsunami palestinien, boursier, judiciaire, je suis absolument sûr d'en oublier parmi ceux que l'on nous a servis sur les ondes ces derniers temps. Deux dans le seul bulletin d'une radio nationale d'information de ce matin.
    Il faut croire que la priorité des rédactions est de transformer l'actualité en série à suspens et pas de relater des faits. Rien de tel pour cela que de doper l'intérêt des lecteurs à grand coup d'adrénaline et d'émotion subtilement réveillée hors de son contexte d'origine.
    Messieurs des rédactions, arrêtez de nous faire croire que vous avez l'information inédite ou l'analyse pertinente qui démontre l'imminence de la fin du Monde. Arrêtez de vous transformer en donneur d'électrochocs, alors que vous ne faites qu'assommer les opinions et les consciences sous des formules toutes faites.
    C'est indécent envers les victimes et leurs familles.
    C'est fatigant.
    C'est lamentable et montre à quel point le talent et l'imagination peuvent manquer dans certaines rédactions.

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