• Ce matin, les jeunes moineaux de l'année prennent leur premier envol, dans les arbres devant le bureau. Encore hésitants, sur leurs ailes un peu courtes et ébouriffés, ils découvrent le monde en dehors du nid, sans doute émerveillés et apeurés à la fois.

    Et moi pendant ce temps, je fais de l'informatique.
    Il paraît que c'est important.
    J'ai un peu de mal à y croire, soudainement.


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  • Il y a un type, dans un bar. Il vient tous les jours ou presque boire son café. C'est son prétexte. Ce qu'il cherche ? Pas une dose d'excitant, encore que c'est peut-être ce qu'il est convaincu de faire. Alors quoi ? Personne ou presque ne le regarde, et presque toujours furtivement. Personne ne lui parle et lui n'ose pas, ou si peu.
    Il regarde les gens, comme ils se comportent : l'assurance orgueilleuse des uns, l'aisance des autres. Pas avec jalousie, mais avec douleur. Et il regarde les femmes, furtivement. Pas avec concupiscence, avec envie, avec désespoir. Son regard ne s'attarde pas, non par négligence ou désintérêt, mais parce qu'il a peur. Peur qu'on le surprenne, qu'on le fusille d'un regard noir, ou pire, d'une remarque assassine.
    Il a un regard doux. Et si triste.
    Il vit dans un monde qui vend du plaisir, de la joie, la liberté. Un monde qui affiche le bonheur d'être jeune, libre, aisé, et beau. Un monde qui lui a promis la complicité d'une âme sœur, l'affirmation du couple comme normalité, l'amour et la séduction comme marque de succès social. Et qui lui vend sans cesse les recettes pour en faire partie.
    Ce monde ne tient pas ses promesses envers lui.
    Il le condamne à un éternel pourquoi ? Pourquoi pas lui ? Quel crime a-t-il commis, lui comme des millions d'autres, pour être dans cet enfer de solitude ?
    Un seul.
    Dans ce monde d'apparence, il est laid.
    Pire, il le sait.
    Perdu dans ton monde de sensualité exposée à toutes les devantures, packagée, institutionnalisée par les modes vestimentaires, décrétée comme norme psychologique et comportementale, promue signe extérieur de disposition à l'amour (physique à défaut de réel), regardes-le.
    Tu sauras alors quel crime ce monde mercantile commet, lui, tous les jours, envers l'âme de cet homme.



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  • J'ai faim.
    C'est une douleur obsédante. Je sens mon esprit qui risque de lâcher sous les coups de boutoir de cette douleur, vers la folie.
    Dans la rue, c'est la loi du plus fort, et je n'en fait pas partie. Je dois me contenter des quelques restes oubliés par mes congénères, et encore faut-il souvent se battre pour ces quelques miettes, à peine à même de repousser la faim de quelques heures. Pas d'avenir que le prochain repas, et c'est un avenir incertain.
    J'ai parcouru le territoire de long en large, évitant les lieux où la présence des plus forts d'entre nous est
    manifeste. De toute façon, il n'y a certainement plus rien à manger dans ces zones là, et beaucoup de coups à recevoir.
    Peut-être certains se sont-ils avilis, mais ils sont en bonne santé, n'ont pas à se battre pour manger, et il n'est parfois pas si simple de savoir qui est le maître et qui est l'esclave.
    Ce soir je tente ma chance. Repérer un des grands êtres, le suivre. Le mettre devant le fait accompli en franchissant d'un bond le pas de sa porte quand elle s'ouvrira. Lui montrer que je suis son ami, que je l'accepte comme le mien.
    Ca y est, l'occasion s'est présentée.
    Ils sont deux. Ils n'ont pas eu le temps de choisir de me laisser entrer ou non. Je suis devant chez eux, je leur montre toutes les marques de soumission que je connais. Mon estomac crie de pousser l'avantage plus loin. Mon orgueil lui, se révolte un peu.
    L'un d'eux se tourne vers moi. Il semble doux et bien intentionné à mon égard ; L'aurais-je déjà apprivoisé ? Le second ouvre une autre porte. Je vais bondir. Mais le premier m'en empêche. Mince, je ne vais pas rester coincé si prêt du but : la chaleur, la nourriture, la sécurité. Je ne sais que faire, alors je continue à me laisser apprivoiser par le deuxième grand être. On ne sait jamais, la porte va peut-être se rouvrir.
    Ca y est elle se rouvre, mais se referme trop vite et le second être m'a encore empêché d'entrer. Mais je n'en
    ai plus cure : une odeur m'envahit, fait vibrer chacune des fibres de mon corps épuisé de faim. Une odeur de viande.
    Plus rien d'autre ne compte. Le grand être que j'ai apprivoisé me montre le chemin à suivre pour atteindre la
    nourriture. Je le suis. Le sol est dur et froid, mais je ne pense qu'à la viande. Enfin elle est là devant moi, et je me jette dessus avec toute l'impatience de ces jours sans pitance.
    Quand j'ai terminé, trop vite, l'être est parti. Je suis de nouveau seul, dehors. Il m'a entraîné dehors et a refermé la porte pendant que je subissais la dictature de mon ventre. Mon estomac a empêché mon cerveau de se rendre compte de la manœuvre.
    Mais bon, j'ai pris un repas. Ma tactique doit être bonne. Je recommencerai demain. Avec un grand être moins malin, j'espère.
    Je suis un chat des rues.<o:p />


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  • C'est formidable la société de consommation. Vous croyez connaître la signification d'un acte de votre vie quotidienne, quand soudain, un inconnu vous en offre une nouvelle.
    Cela fait instantanément de vous quelqu'un de meilleur, faisant rigoureusement la même chose qu'avant, mais avec une conscience plus élevée dudit acte, et vous n'allez dès lors pas vous abaisser à regarder le prix qu'on vous a fait payer pour cette appartenance à l'élite secrète des gens modernes et efficaces.<o:p>
    Un bon exemple est cette pub pour une gamme de shampooing. Moi je me suis toujours lavé les cheveux
    parce qu'on m'a appris que les cheveux sales attiraient les poux et sentaient mauvais, ce genre de considérations terre à terre, tristement incontestables, presque paysannes.</o:p>


    Bien sûr avec ce genre d'idée bizarre, on continuerait à ne vendre que le même shampooing que celui de nos grands-mères, et l'hygiène capillaire passerait complètement à côté de la modernité triomphante et scientifique, au culte de laquelle il est pourtant de notre devoir de sacrifier, comme le prouvent les stèles éphémères que nous érigeons consciencieusement aux Dieux consuméristes du moment et que d'aucun continuent d'appeler vulgairement « tête de gondole » (honnis soient-ils !).<o:p>
    Donc, pour apporter sa pierre au culte de la déesse de la consommation compulsive et inutile, une société spécialisée dans les produits de ce genre a voulu marquer de manière décisive une nouvelle étape dans l'invention de prétextes à la con mais empreints de modernité destinés à éclairer notre pauvre humanité qui croit encore trop souvent que le savon, c'est fait pour se laver, et ne reçoit pas ainsi la Révélation susceptible de lui faire ouvrir son porte monnaie.</o:p>


    Ils ont donc fait appel à une agence de pub.<o:p>
    Là il y a une équipe qui s'est penchée sur le sujet et qui a du se dire « mais qu'est-ce qu'on peut raconter sur un shampooing ? ».</o:p>


    Alors ils ont ressorti leur manuel de marketing, et ils ont relu le chapitre où on leur indique qu'il existe deux vérités divines qui font vendre n'importe quoi : le sexe et la technologie.<o:p>
    Ils ont donc mélangé les deux.</o:p>

    Et ils ont pondu, sous forme de « carte à pub », la campagne que vous voyez ici. L'image est déjà relativement ridicule (comparer le lavage de cheveu au Kamasutra !) mais le texte qu'il y a derrière me fait, lui, vraiment mourir de rire (enfin jusqu'à ce que j'imagine que des gens se font avoir, parce que ça, c'est vraiment triste). <o:p>
    Je cite :</o:p>


    « Découvrez les effets de la gamme de shampooings et après shampooings XXXXXXXXX en téléchargeant des sonneries de portables et des fonds d'écran 100% extase. »<o:p />

    J'imagine la fille sous la douche en train de surfer sur Internet dans l'attente de l'extase promise. A part l'électrocution, je ne vois pas...<o:p>
    Et imaginez qu'elle appelle le service après vente !</o:p>


    C'est formidable le marketing...<o:p>
    PS : c'est un shampooing qui se revendique aux herbes. A mon avis, ils sont carrément passés à la poudre...</o:p>



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  • Une tâche de sang sur la ligne de tram.<o:p>
    Une tâche de café dans le hall de la gare.<o:p>
    Un vendeur un brin misogyne sur le marché, et des commerçants qui accueillent leurs clients comme des voisins ou des amis revenus d'une absence.<o:p>
    Des couleurs, des odeurs, des mots, des rires...<o:p>
    Une femme, heureuse, qui marche dans le soleil.<o:p>
    Un homme passe, tranquille, sifflant des chants d'oiseaux au milieu du béton.<o:p>
    Un couple assez chic échange des plaisanteries avec un mendiant.<o:p>
    La vie.<o:p>
    Et toi, à qui je brûle de la raconter.<o:p>
    Un dimanche matin à Grenoble.</o:p></o:p></o:p></o:p></o:p></o:p></o:p></o:p></o:p>


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