• Nulle part

    Il est des endroits comme ça, qui sont à la ville ce que la grève est à la mer : un lieu où l'on s'échoue.

    C'est étrange : la rue est bien là, éclairée et sereine, mais personne n'y passe. Une voiture garée là donnerait aussitôt le sentiment d'y être de toute éternité, comme une épave.

    C'est troublant, une rue déplacée. Elle était pourtant parfaite dans son rôle. Son avenir était clair, son destin tout tracé. Elle devait assurer aux pneus de ses amis silence, confort et sécurité. Limousines et coupés auraient du s'y presser, mais voilà, elle n'a pas accosté les rivages du réel au bon endroit.

    Le bar du coin de la rue est aussi déplacé, non dans l'espace mais dans le temps. Quels que soient ses horaires il est toujours désert, comme s'il n'était jamais prêt au bon moment pour ceux qu'il rêve d'accueillir, à moins que ce ne soit l'inverse.

    Il n'est pas vide pourtant, mais il est des présences qui soulignent le désert bien plus qu'elles ne le peuplent, des souvenirs de pluies qui révèlent l'aridité. Ceux qui sont là ce soir sont aussi égarés : des souvenirs qui rêvent d'être vécus, des fantômes de vies ignorant qu'elles sont mortes. Ils ne repartiront pas. Ils sont perdus. Ils sont échoués, eux aussi.


  • Commentaires

    1
    Lundi 13 Décembre 2004 à 11:19
    Boulevard des rêves
    A coté de l'absence, il y a aussi la chute d'un mythe passé, le mythe de l'héroïsme américain incarné par 4 personnages ayant marqué les années 60, cette période de changement profond à l'intérieur d'une société qui prône la liberté comme valeur fondatrice. Cet héroïsme est déchu, mis à coté du monde réel. Il ne vit que pour lui-même, en dehors de toute connection à l'humain, c'est donc un mythe ôté de son sens, un non-mythe
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