• Tristesse contemporaine

    Il y a un type, dans un bar. Il vient tous les jours ou presque boire son café. C'est son prétexte. Ce qu'il cherche ? Pas une dose d'excitant, encore que c'est peut-être ce qu'il est convaincu de faire. Alors quoi ? Personne ou presque ne le regarde, et presque toujours furtivement. Personne ne lui parle et lui n'ose pas, ou si peu.
    Il regarde les gens, comme ils se comportent : l'assurance orgueilleuse des uns, l'aisance des autres. Pas avec jalousie, mais avec douleur. Et il regarde les femmes, furtivement. Pas avec concupiscence, avec envie, avec désespoir. Son regard ne s'attarde pas, non par négligence ou désintérêt, mais parce qu'il a peur. Peur qu'on le surprenne, qu'on le fusille d'un regard noir, ou pire, d'une remarque assassine.
    Il a un regard doux. Et si triste.
    Il vit dans un monde qui vend du plaisir, de la joie, la liberté. Un monde qui affiche le bonheur d'être jeune, libre, aisé, et beau. Un monde qui lui a promis la complicité d'une âme sœur, l'affirmation du couple comme normalité, l'amour et la séduction comme marque de succès social. Et qui lui vend sans cesse les recettes pour en faire partie.
    Ce monde ne tient pas ses promesses envers lui.
    Il le condamne à un éternel pourquoi ? Pourquoi pas lui ? Quel crime a-t-il commis, lui comme des millions d'autres, pour être dans cet enfer de solitude ?
    Un seul.
    Dans ce monde d'apparence, il est laid.
    Pire, il le sait.
    Perdu dans ton monde de sensualité exposée à toutes les devantures, packagée, institutionnalisée par les modes vestimentaires, décrétée comme norme psychologique et comportementale, promue signe extérieur de disposition à l'amour (physique à défaut de réel), regardes-le.
    Tu sauras alors quel crime ce monde mercantile commet, lui, tous les jours, envers l'âme de cet homme.



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